De tout temps, des personnes ont été dynamisées par le souffle créateur de Dieu. Une Présence silencieuse nous habite qui a le pouvoir de transformer notre caractère, d’enrayer nos peurs et de libérer nos aspirations les plus profondes.
Cet article s’inspire d’une homélie intitulée « Donner, tout donner » par le Père Henri Boulad, s.j. Nous avons également fait appel à d’autres auteurs spirituels afin d’enrichir notre réflexion.
L’appel à la joie
L’enfance comme l’adolescence sont des passages obligés de la croissance humaine, des périodes riches en qualités et en possibilités.
Seulement, le problème consisterait à demeurer dans une psychologie qui se caractérise principalement par le « je veux », c’est-à-dire une psychologie qui se définit par un mouvement tourné vers soi, centré sur la recherche du plaisir.
Certes, le plaisir fait partie de l’expérience humaine, et il est sain dans la mesure où il est associé à une activité constructive et humanisante.
Un plaisir jugé malsain pour sa part est associé à une activité qui entrave la croissance humaine, comme, par exemple, un excès dans les jeux de hasard.
Seulement, le plaisir même quand il est sain est souvent la marque d’un mouvement vers soi.
Comme le disait le Père Boulad,
« J’ai une boisson fraîche, je la bois, elle me donne du plaisir. »
« J’ai une boisson fraîche, je l’offre, elle me donne de la joie.»
La capacité de donner est la marque de l’adulte
« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jn 14,27a)
« Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. »
L’appel de l’Évangile est fondamentalement un appel à la joie du don.
C’est en faisant plaisir, c’est en donnant que l’on connaît la joie et le bonheur.
Grandir sur le plan humain, c’est apprendre à donner et c’est ce qui distingue la psychologie adulte d’une psychologie restée au stade infantile.
Comme l’affirme le Père Boulad, « l’adulte, après avoir reçu, parce qu’il a reçu, éprouve le besoin de donner ». C’est cela devenir une personne au vrai sens du terme. C’est cela la marque d’une véritable autonomie.
La vie nous appelle à l’apprentissage du don.
L’image d’une branche d’un arbre est très parlante. Une branche? C’est quelque chose qui reçoit la vie et qui donne la vie.
Pour nous, comme pour la branche d’un arbre, la vie nous traverse.
La vie est réception et don. La vie est mouvement.
La vie est faite pour être donnée, non pour être gardée, sinon c’est la mort.
La vie est jaillissement de soi
« Dieu est amour » (1 Jn, 4,8b)
Le Dieu révélé en Jésus-Christ est un Dieu qui est Don. C’est sa nature même. Son bonheur ne fait qu’un avec le don qu’il fait de lui-même. Dieu ne garde pas ce qu’il a.
Dans la perspective chrétienne, la création est à la fois un acte libre de Dieu de même qu’une nécessité en quelque sorte, car Dieu est la Vie et la vie est sortie de soi.
Créés à l’image de Dieu et appelés à être à sa ressemblance, nous sommes également appelés à la joie du don.
L’amour dans une perspective chrétienne
Recevoir comme une abeille pour donner en miel, en semence, en joie, en paix, en confiance et en bonheur. (Père Henri Roy, 23 janvier 1954)
S’il est vrai que nous sommes appelés à apprendre le geste de donner, qui est le geste de Dieu lui-même, il est aussi vrai que nous avons besoin de recevoir afin de pouvoir donner.
Moi, je suis la vraie vigne, et mon Père est le vigneron.
Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage.
Mais vous, déjà vous voici purifiés grâce à la parole que je vous ai dite.
Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut pas porter de fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. (Jn 15,1-5)
Le désir est une dimension constitutive de l’être humain. Nous sommes des êtres de relation, et seul le désir d’aimer peut nous combler pleinement. Or, le désir d’aimer vient de Dieu.
Voilà pourquoi il importe de se ressourcer afin de nourrir le désir d’aimer. Il nous appartient d’aller vers la joie afin de mieux la donner :
- « Il est nécessaire que, chaque jour, nous nous donnions un moment pour nous reposer dans cette Présence bien-aimée dont la joie ne s’épuise pas. » (Maurice Zundel, Ta parole comme une source, p. 255)
- « Faire chaque jour notre provision de joie sous la forme de l’émerveillement. » (Maurice Zundel, Émerveillement et pauvreté, p. 191)
- Faire une visite à un Sanctuaire, où il est possible par exemple d’allier vie sacramentelle et beauté de la nature.
- Si l’on aime réciter le chapelet, se rappeler qu’il y a plusieurs grâces associées à la méditation des mystères, dont notamment celui de la charité fraternelle.
- Demander au Seigneur de nous apprendre à aimer dans les grandes et les petites occasions.
- Prendre quotidiennement conscience des grâces que l’on reçoit de la part de Dieu qui nous aime.
L’humble quotidien, terre de la religion véritable
Aimer dira Maurice Zundel, vivre l’Évangile au quotidien, vivre la religion véritable, c’est communier à la présence divine qui est don et la communiquer, que ce soit dans notre travail, dans nos rapports quotidiens avec les autres personnes et même dans notre repos. (Maurice Zundel, Avec Dieu dans le quotidien, p. 150)
C’est précisément ce que vivait Thérèse de Lisieux dans son cloître.
Pour elle, le désir d’aimer et de se donner est la première attitude qui met en route. (Jacques Gauthier, La petite voie avec Thérèse de Lisieux, p. 26)
« Mon cœur ardent veut se donner sans cesse, il a besoin de prouver sa tendresse » (La petite voie, p. 31)
Son désir d’aimer avait un nom, un visage, une présence : Jésus. (La petite voie, p. 26)
Thérèse veut faire plaisir à ses sœurs et elle désire aimer et faire aimer Jésus. Elle incarne cet amour dans les petites choses au quotidien, lieu de notre rencontre avec Dieu. (La petite voie, p. 27)
À vingt-deux ans, alors qu’elle chante les miséricordes du Seigneur dans son Histoire d’une âme, elle écrit : « Ah! combien de sujets n’ai-je pas de remercier Jésus qui sut combler tous mes désirs! Maintenant, je n’ai plus aucun désir, si ce n’est d’aimer Jésus à la folie. » (La petite voie, p. 29)